Rencontre avec… Dolorès Navarro
63 ans, toutes ses dents et un sourire qu’on reconnaît de loin. Dolorès Navarro, c’est la voix rassurante du couloir, celle qu’on entend avant même de la voir. Arrivée à l’Institution Saint Denis Croix-Rousse en 2013 comme surveillante, puis assistante d’éducation, elle a peu à peu gravi les marches jusqu’à devenir aujourd’hui… le bras droit de Florence, en tant que adjointe de direction. Rien que ça !
“Je ne me sentais pas officiellement prête, mais tout le monde autour de moi me voyait à ma place, sans aucun doute sur mes capacités. Alors… j’y suis allée.”
Quand vous marchez dans les couloirs, c’est plutôt : « Chut, voilà Mme Navarro ! » ou au contraire : « Ouf, ce n’est pas Jacques ! » ?
(Surprise) Oh non, ça a toujours été “Ouh là, voilà Madame Navarro !” ça, ça ne change pas du tout ! (Rires) C’est une posture que j’ai, on dirait que ça me suit partout. Donc non, pas de différence : les couloirs restent bien sous surveillance !
(Éclat de rire) Ah là là… disons que pour certains je suis un chef d’orchestre, et pour d’autres, notamment les élèves, je garde cette image de shérif du Far West. (Fou rire) Disons que je fais régner l’harmonie… mais à ma façon !
Vous vous souvenez de votre tout premier jour ici ? C’était plutôt “coup de foudre” ou “mais où suis-je tombée ?”
Ma crainte au départ, c’était qu’on m’avait dit : “Attention, ici il y a beaucoup d’élèves surdoués.” J’avais peur de me retrouver face à des enfants plus doués que moi ! (Rires)
Je venais d’un établissement très hétéroclite, alors je ne savais pas ce qu’un élève HPI pouvait attendre, ni comment m’y prendre. Et puis… tout s’est tellement bien passé que je suis encore là !
D’ailleurs, je n’avais même pas postulé ici : on est venu me chercher. C’est sans doute la raison pour laquelle je suis arrivée avec toutes mes incertitudes. Donc oui, coup de foudre assuré !
Soupe maison, sans hésiter !
Le bureau de Jacques… qui est maintenant le vôtre : c’est plutôt une cabane de plage ensoleillée, un QG de commandement… ou une planque stratégique pour surprendre les meilleures bêtises ?
(Rires) Un QG, évidemment ! Il est central : d’ici, je “dirige mon petit monde” et je supervise le tout. C’est ma tour de contrôle à moi !
Si on devait inventer une série TV qui raconte votre vie à l’Institution Saint Denis, ça s’appellerait comment ? « Navarro contre-attaque » ? « Mission CPE possible » ? « Game of Couloirs » ?
(Éclat de rire) Aucune idée… quelle question !
On se permet d’aider un peu dans ce cas : ce sera « Agent Navarro ».
(Et franchement, on imagine déjà le générique : badge à la main, talkie-walkie à la ceinture, et un thème musical digne des plus grandes missions de couloir.)
Le printemps, sans hésiter. C’est le moment du renouveau des enfants : ils s’éveillent, ils changent, ils s’épanouissent avant le grand saut du collège. On les voit évoluer jusqu’au printemps, moment où ils deviennent un peu plus eux-mêmes.
(Elle réfléchit longuement…) Je dirais la confiance.
Celle que j’aimerais que les enfants construisent en eux-mêmes, pour la suite. Le collège, c’est une étape compliquée : trop grand, trop petit, trop maigre, pas assez ceci ou cela… c’est une période de doutes, une vraie tempête identitaire.
Alors si je peux leur transmettre un peu de confiance, ne serait-ce qu’une petite voix intérieure qui leur dit “tu peux y arriver”, j’en serai la plus heureuse.
Ah, l’affiche ! (Rires) C’est la seule chose que j’ai voulu garder de mon ancien bureau. Vous allez me demander pourquoi ?
Eh bien, elle raconte mon histoire familiale. Mes parents venaient d’un village nommé Almeria. Mon père, réfugié politique, a dû quitter son pays et n’a pu y retourner qu’après dix ans. Dix ans plus tard, il est revenu… pour épouser ma mère. Cette affiche me rappelle leurs couleurs, leurs racines, et d’où je viens.
Il n’y a que ça sur mon mur, oui, mais le reste… est dans ma tête.